Interview : Laura, de la France à la Mongolie à vélo et même au-delà !

par | Mis à jour le 14/12/2021 | Les voyageurs | 7 commentaires

Depuis plusieurs années, Laura voyage à vélo à travers le monde. Dans cette interview, elle nous conte avec délice ses aventures, notamment son dernier voyage de la France à la Mongolie ou encore, ses épopées frissonnantes en Australie. Des aventures de vie que l’on savoure à chaque instant de ce récit !

France – Mongolie à vélo : les chiffres clefs

Durée de la traversée : 

7 mois jusqu’en Mongolie

Km parcourus: 

Environ

35 000 à vélo

Nombre de pays traversés: 

24

Types de routes : 

De tout: du pas de chemin à travers la cambrousse, à l’autoroute par erreur… Des pistes pourries aux routes paradisiaques…

Vélos utilisés :

950 Aspect Scott

Poids à pousser :

Dans l’idéal: le moins possible / Dans la réalité : Toujours trop lourd.


L’interview !


Salut Laura, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

Je m’appelle Laura, j’ai 31 ans, je suis née à Toulouse où j’ai grandi. J’étais dans une petite vie routinière installée en tant que photographe. A l’âge de 27 ans, j’ai décidé de tout quitter pour partir à la découverte de la Nouvelle-Zélande, que j’ai traversé en solitaire, à pied avec ma tente, sur 3000 kilomètres. C’était mon premier grand voyage, mais il était comme une évidence. J’avais le besoin profond de reconnexion à la Terre, au temps, à moi même. Redonner de la présence à chaque pas, à chaque instant qui se présente, aux éléments qui nous entourent. Etre dans l’instant présent, c’est sentir qu’on fait partie d’un tout, c’est se reconnecter à son coeur, à son être profond.

Voyage à vélo - France Mongolie. © Terra Wairua - Laura Tastayre
© Terra Wairua – Laura Tastayre

Tu es partie en Mongolie l’année dernière, peux-tu nous présenter ton voyage en quelques lignes ?

Je suis parti en avril 2019 du sud de la France pour rejoindre à vélo Saint-Pétersbourg, en Russie. De là, j’ai pris le transsibérien jusqu’à Irkoutsk, près du lac Baïkal, en Sibérie. Ensuite, j’ai repris le vélo vers l’est et la Mongolie, et puis le sud et l’ouest en direction de la France via tous les pays d’Asie centrale et du Caucase.

Comment t’es venue l’idée de ce voyage ? Pourquoi la Mongolie ?

Mes voyages s’étaient déroulés dans des pays occidentalisés, à la culture relativement proche de la notre. J’avais pris un avion qui m’avait mené à l’autre bout de la Terre, en quelques heures et sans conscience du moindre effort. J’ai eu ce désir, tel un besoin, d’en parcourir son centre et de découvrir les cultures qui le peuplent.

C’était ton premier voyage à vélo ?

J’avais déjà parcouru à vélo la Nouvelle-Zélande, l’Australie, et les Etats-Unis.

Voyage à vélo - © Terra Wairua - Laura Tastayre
© Terra Wairua – Laura Tastayre

Quels ont été tes coups de coeur pendant tes voyages ?

L’ Australie

L’Australie fut un véritable coup de coeur. C’est un pays qui peut être assez ingrat à vélo, de par la monotonie des paysages sur d’immenses distances, les longues lignes droites et l’obligation de porter beaucoup de vivres. Mais j’aimais le côté aventureux et le challenge que cela représentait de rouler sur ces pistes au sable rouge avec un point d’eau parfois tous les 350 kilomètres. Expérimenter le silence, où la moindre petite brise de vent s’entend arriver sur des kilomètres. Et puis chaque soir, s’endormir au milieu du désert et découvrir le spectacle qu’offre le ciel dépourvu de pollution lumineuse restait une sensation magique gravée à tout jamais dans ma mémoire et que je n’ai pas retrouvé ailleurs. Les australiens sont également des voyageurs dans l’âme, et voyager à vélo attirait immédiatement leur respect et sympathie.

La Mongolie

La Mongolie reste également un pays fort dans mon voyage. Sur ma route, j’ai rencontré des familles nomades qui sont encore en lien direct avec la Terre qui les nourrit malgré la rudesse du climat qui ne leur fait pas de cadeau. La famille, toutes générations confondues dort dans la yourte, qui est également la pièce de vie, et dont le poêle est l’élément central et vital. Ils m’ont fait goûter le fromage de chèvre qu’ils fabriquent eux-mêmes venant de leurs troupeaux, ainsi que de délicieux petits beignets encore chauds. Toute la famille paraît solidaire, solidement organisée et chacun semble avoir sa place et son rôle.

J’ai aimé ce lien direct qu’ils ont entre eux et avec la nature, en produisant, sans fioritures, ce qui permet à leur survie.

Kazakhstan - © Terra Wairua - Laura Tastayre
© Terra Wairua – Laura Tastayre

Le Kirghizistan et le Tadjikistan

Le Kirghizistan et le Tadjikistan ont aussi marqué mon voyage. Au coeur des montagnes et des routes jusqu’à 4500 mètres d’altitude, ce ne fut pas de tout repos, tant physiquement que psychologiquement. L’intoxication alimentaire est le mal (et oserais-je dire, le sujet principal) du voyageur là bas. Il est vraiment important de limiter les risques en filtrant son eau, et en évitant tout produits frais, légumes… Ca suffit rarement, mais c’est toujours mieux que rien ! 

Heureusement, la magie du lieu est au rendez-vous. Je me rappelle de ces petites oasis de verdure au milieu de ces énormes roches dans la vallée du Bartang, où vivaient plusieurs familles. Ils cultivaient quelques plantes, avaient des arbres fruitiers. Une petite source longeait des chemins parfaitement dessinés sur le sol. Je bataillais toute la journée à pousser le vélo à travers la caillasse et les rivières, et j’eus l’impression d’arriver au Paradis. Un jeune du village qui parlait anglais m’avait invitée à manger, et rester. Le soir, nous dormions tous à la belle étoile sous l’abricotier. Enfin, dormir est un bien grand mot. De temps en temps, un abricot nous tombait sur la tête. Et toutes les heures, l’un d’eux me réveillait pour me demander… l’heure ! 😀

Et puis tant de bribes, de sensations… La beauté du soleil couchant sur le lac Baïkal, le cri des coyotes en pleine nuit dans l’ouest américain, les contrastes de lumière se dessinant sur les steppes mongoles, la méfiance d’abord puis la complicité ensuite des femmes dans la Toundra Russe, les épis de maïs tendus sur le bord de la route, les paysages somptueux de l’Autriche, les gestes farfelus pour essayer de communiquer, une tempête essuyé lors d’une nuit dans un cimetière, les selfies demandés et l’accueil chaleureux des Kazakhs, … les “odna” “otkuda” et les incessants “hello”

Rentrer, éprouver de l’affection en retrouvant le petit café Français de la place du village. Se rendre compte que, quelque soit notre pays de naissance, chacun essaie de faire son petit bonhomme de chemin, pour vivre au mieux, survivre parfois. Et repenser, encore et toujours, à tous les sourires lumineux des enfants sur les chemins du monde.

Comment était le terrain pendant ton aventure? 

A vélo et sur une si grande distance, on est tributaire des éléments. Notre rythme est directement influé par le temps qu’il fait, les saisons qui évoluent et le type de terrain. Je ne roulais pas de la même façon et avec les mêmes contraintes en France au mois d’avril que sous 55 degrés au Kazakhstan. Si je peux donner une vue d’ensemble sur le dernier voyage, je dirais que les pistes, les routes sont souvent en très mauvais état. Une bonne nouvelle toutefois pour les prochains: La route, en 2019, était en travaux sur plusieurs milliers de kilomètres, de la Mongolie jusqu’au sud du Kazakhstan. Vu la poussière que j’ai mangé, je peux vous dire que vous aurez de la chance.

retroviseur - © Terra Wairua - Laura Tastayre
© Terra Wairua – Laura Tastayre

En tant que femme solo, as-tu ressenti que ton voyage était différent ?

Le principal handicap à voyager seule en tant que femme, c’est qu’on ne peut jamais oublier qu’on est une femme. L’être n’est pas plus risqué en soi, mais c’est la façon dont les populations le perçoivent qui tant à le devenir. Cela oblige à une double vigilance qui peut parfois amener un sentiment d’injustice et de frustration. Choisir son lieu de bivouac, vers qui on s’approche, de qui on accepte l’hospitalité… il s’agit d’anticiper en permanence et cela peut être émotionnellement fatiguant.

Mais il faut faire confiance en son instinct et en sa capacité à sentir les situations, les gens. Je pars dans l’idée qu’il ne faut pas s’empêcher de vivre ses rêves pour cette raison. Plus on sera nombreuses à ne pas contraindre notre liberté à voyager, plus cela deviendra banal, et plus on donnera à d’autres femmes, ne serait-ce que la possibilité d’imaginer faire pareil. 

Famille mongole - © Terra Wairua - Laura Tastayre
© Terra Wairua – Laura Tastayre

Concrètement, comment ça se passait au quotidien pour toi ?

La seule chose que je planifie avant de partir, c’est la direction dans laquelle je me rend. J’avais fait un tracé approximatif en fonction des pays que je souhaitais voir, leur situation géo-politique, et les possibilités en terme de visa. Sur place, ma question journalière était: Combien de kilomètres jusqu’au prochain point d’eau et d’approvisionnement ? Pour le logement, le plaisir que j’ai dans ce type de voyage, c’est de planter ma tente en pleine nature. Donc, de ce côté là, je n’ai aucune contrainte, je fais au gré de la route et de mon avancement. Parfois, j’ai la chance de goûter à l’hospitalité. Je le vis comme un cadeau. Une chance de partager un bout de vie. J’aime la sensation de ne pas savoir ou je vais être le soir, et qui je vais rencontrer.

Et niveau budget ?

La Mongolie, ou les pays d’Asie Centrale, sont très abordables pour nous, Européens. Mon principal budget dans ce voyage a été consacré aux visas, au transsibérien, aux deux bateaux que j’ai pris (pour traverser la mer Caspienne, et la mer Noire) et à la nourriture. Je me suis aussi permise quelques auberges de jeunesse en Asie Centrale. Pour donner un ordre d’idée, sur ce dernier voyage, mon budget total s’est élevé à 2 000 euros tout inclus pour les préparatifs et les 7 mois sur la route. Voyager m’est beaucoup plus économique qu’être sédentaire.

As-tu des conseils à donner pour celles et ceux qui voudraient suivre tes traces ?

Il y aura bien sur de belles âmes sur notre chemin, de l’hospitalité, mais il faut se préparer sans compter sur cela afin d’être autonome et pouvoir gérer tous types de situations. Les saisons conditionneront le type de matériel à prévoir. Au quotidien, le point le plus important à anticiper est l’eau. Je conseille d’avoir un filtre. Vient ensuite la nourriture, chercher les points de ravitaillement, tout en rajoutant un jour au cas ou. Connaître un minimum le type de terrain sur lequel on va rouler est essentiel pour le calcul de ces deux paramètres. Si possible, au préalable, je conseille d’acquérir le matériel technique qui offre le meilleur rapport en qualité/poids. Et puis, sur la route, quand vient la tentation d’acquérir quelque chose, se poser la question: “En ai-je vraiment besoin ?” Plus on a un matériel fiable et léger, mieux on vivra la route ! {

©Laura – Te Rerenga Wairua

Tu avais quel vélo ? 

Le vélo est entré par hasard dans ma vie alors que j’étais en Nouvelle-Zélande. Ce n’est pas l’envie de voyager à vélo qui m’a fait acquérir un vélo, mais l’inverse. C’est un vélo simple qui n’était pas vraiment à ma taille que j’ai adapté au fur et à mesure de la route. Je ne peux comparer, mais j’imagine qu’il peut être intéressant d’investir dans un vélo confortable. Je suis partie le plus simplement du monde en partant du principe que, – tant que ça roule…

Canyonland USA - © Terra Wairua - Laura Tastayre
© Terra Wairua – Laura Tastayre

Aurais-tu une anecdote à nous partager sur ce voyage?

Quand j’étais en Australie, et que je m’apprêtais à traverser un désert reculé en Terre aborigène par une piste de 1000 kilomètres, j’ai énormément été mise en garde: “Cela est trop dangereux pour une femme seule, tu ne sais pas ou tu mets les pieds.” “Les aborigènes sont des animaux, tu seras violée, tuée” , “ou… pire encore.”

J’entendais tellement ce discours, accompagné d’un regard dirigé vers le ciel telle une prière, que j’ai ressenti une angoisse dans le ventre qui m’a mise pleins de doutes concernant la suite de mon voyage. Malgré tout, j’ai continué ma route, ai pris cette piste, armée de 15 litres d’eau et 15 jours de nourriture.

Je plantai la tente pour un premier bivouac. Paisible, après m’être fait à manger, je m’allongeais en attendant la nuit. Après quelques heures de quiétude totale, un soudain et violent coup de pétard retentit, faisant au passage vibrer la toile de ma tente et céder la cordelette tendu jusqu’au sol. Je me recroquevillai, sentant la peur paralyser tous mes membres. En l’espace de quelques secondes, tous les visages et les mots reçus tournaient dans ma tête “Aborigène”. “Dangereux” . “Fusil”. “Viol” . “Tuée.” “ET PIRE ENCORE”.

Ils avaient raison, je ne les ai pas écouté, je vais mourir ici, au milieu du désert !

Les secondes défilaient, et rien de plus ne se passant, je repris mon souffle, pour sortir timidement la tête de ma tente. Rien de suspect aux alentours. Je dirigeai ensuite mon regard en direction du vélo. Aussi curieux que cela puisse être, ce bruit soudain que je pensais être un coup de fusil était en fait… la chambre à air arrière de mon vélo qui avait explosé ! Rassurée et relevant le grotesque de cette situation, j’ai pris conscience à ce moment là que la peur que j’avais endurée n’était pas celle, saine, utile, que l’on éprouve lors d’un danger immédiat. Celle que j’avais ressentit ne m’appartenait pas, elle m’avait été communiquée telle une idée préconçue figée hors du temps générée le plus souvent par la peur de l’inconnu et transmise d’un être à l’autre.

Voyager à vélo, seule et loin de sa zone de confort, c’est rationaliser cette peur et accepter l’inconnu, afin de s’en affranchir et apprécier ce qu’il nous offre… … Il ne s’agit pas d’idéaliser le monde, mais d’accepter de renouveler son regard pour accueillir les surprises qui viendront enrichir notre chemin, afin de se sentir vivant pleinement.

Tu continues de voyager à vélo ? Quelles sont tes prochaines destinations ?

Mes projets sont un peu en suspens, avec la situation actuelle. Je pense que ce sera dans les mois à venir une belle opportunité pour consacrer du temps à visiter notre magnifique pays qu’est la France. Je ne prévois plus de grandes traversées éprouvantes, mais des voyages plus axés sur certaines régions, rencontres, et mon amour pour la photographie et la beauté du monde.

Bivouac dans le désert - © Terra Wairua - Laura Tastayre
© Terra Wairua – Laura Tastayre

Est-ce-que l’on peut suivre tes aventures quelque part?

Oui sur Facebook et Instagram   !

Nous remercions Laura pour avoir partagé des bouts de ses épopées à vélo avec nous !


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7 Commentaires

  1. Lou pastre

    Un grand merci pour nous faire découvrir et rêver avec les aventures de Laura.
    C’est superbe.

    Réponse
  2. La Rando

    Fan de vélo et de voyage, ces conseils sont top pour préparer notre futur voyage à vélo, je trouve votre blog sur le vélo vraiment génial et plein d’infos utiles pour les fans des deux roues.
    Merci pour le partage.
    La Rando

    Réponse
    • Mila

      Bonjour La Rando,

      Merci beaucoup pour ce petit commentaire ! Le voyage de Laura était top 🙂

      Bonne soirée,

      Mila

      Réponse
  3. Celine

    Quelle aventure ! Je suis en admiration face à de tel périple, je suis tellement froussarde !!! Merci pour l’interview qui permet de s’évader virtuellement 🙂

    Réponse
    • Mila

      Oui, l’aventure de Laura est vraiment impressionnante et tellement inspirante que l’on suivra peut-être ses traces finalement !
      Merci pour ce petit mot 🙂

      Réponse
  4. la lykorne illettree

    Superbe interview, et quelles aventures ! Mon premier voyage en solo était prévu en mai, mais du coup remis à plus tard à cause du Coronavirus… Ce doit être une façon différente de vivre le voyage, de se recentrer sur ce qui compte réellement, faire des rencontres !

    Réponse
    • Mila

      Merci beaucoup pour ton petit commentaire Amandine ! Oh quelle frustration 🙂 J’espère que ce n’est que partie remise. Ce n’est pas une période évidente pour nous (au sens large- nous, les voyageur-se-s) en ce moment… Beaucoup de projets tombent à l’eau. Mais pour la note positive, je suis aussi en train de réfléchir à un petit road trip à vélo et en solo. Bon pas longtemps, car la bonne humeur de Denni me manquerait de trop. Mais juste pour le plaisir que l’on ne s’adresse pas à lui avant-tout.

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