Voyager autour du monde en parapente avec Bénédicte

par | Mis à jour le 01/02/2021 | Les voyageurs | 5 commentaires

Le parapente : rien que le mot nous fait rêver. Mais saviez-vous que c’est aussi un mode alternatif de voyage qui permet de découvrir les pays sous un angle différent ? Depuis le début de notre aventure, nous nous intéressons aux manières de voyager alternatives. Celles qui restent à l’écart du tourisme de masse. Alors, forcément, le parapente, le moyen de locomotion que Bénédicte utilise pour ses voyages, nous paraissait très intriguant.

Finalement, quitte à transporter son drone aux quatre coins du monde autant prendre un parapente. Le prix d’achat est certes un peu plus élevé. Mais le drone offre des prises de vues que nous n’expérimentons pas. Le parapente lui, est dans le concret. Alors, préparez-vous, entre anecdotes, poses dans les arbres ou loin de tout et infos pratiques, Bénédicte nous régale avec ses aventures.

C’est parti pour un petit voyage dans les airs !

voyage en parapente

Salut Bénédicte, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

J’ai 53 ans, je suis enseignante de physique chimie à coté d’Annecy, en Haute Savoie. Je voyage depuis toujours et j’ai toujours adoré le contact avec les autres cultures. Je parle d’ailleurs couramment trois langues étrangère. D’ailleurs, j’ai habité 25 ans dans la région de Londres.

Quand ils étaient petits, j’ai beaucoup voyagé avec mes enfants qui ont aujourd’hui 25 et 22 ans. Nous avons fait l’Argentine dans les camps de base des Andes, la Namibie chez les Himbas, les parcs de Yellowstone et Grand Tetons au milieu des ours et des loups, ou le delta de l’Okavango à marcher au milieu des zèbres et des girafes. Plus proches de nous, des randonnées en Vanoise, en Haute Savoie d’ou nous sommes originaires, en Islande, en Val d’Aoste ou en pays de Galles.

J’ai toujours fait beaucoup de sport. De la voile tout d’abord, puis de la plongée sous marine. Ensuite du ski que j’ai enseigné, de l’escalade, de l’alpinisme… Puis, finalement, depuis 2003, le parapente !

J’ai appris le parapente au départ pour redescendre plus vite du sommet des montagnes. Depuis 2007, je fais de la compétition de distance en parapente. C’est une activité qui me déplace plusieurs fois par an à travers le globe. Mon compagnon pratique aussi ce sport en compétition. Ainsi, nous découvrons le monde depuis le ciel ensemble mais chacun sous son aile. Parfois, l’un sans l’autre, car nous avons des obligations professionnelles différentes.

Tu voyages en parapente, c’est sacrément différent comme manière de voyager ! Comment s’organisent tes voyages ?

Un parapente, c’est juste un avion qui tient dans un sac à dos ! Mais pour les longues distances, je fais comme tout le monde et je prends l’avion. Comme ça pèse déjà très lourd, il faut gérer le poids du parapente et les instruments de vol entre le bagage enregistré (23kg en général) et le bagage cabine, qui est souvent compact mais très lourd ! Cela veut dire que le nombre de T-shirts et petites culottes est très réduit ☺

Mes premiers voyages parapente ont eu lieu en Amérique latine, au Chili, au Mexique en particulier, pour trouver des conditions de vol pendant l’hiver en Europe. J’ai commencé à voyager ainsi avec des groupes de parapentistes en 2005.

En parapente, on sait d’où l’on décolle mais pas toujours où l’on va se poser.

En effet, nous dépendons des thermiques, air chaud généré par le sol chauffé par le soleil, qui permet de créer des courants ascendants. Le jeu consiste donc à s’élever dans le ciel grâce à ces thermiques puis à planer jusqu’au thermique suivant. Ainsi, on parcourt la distance la plus grande, avant que le soleil se couche (et les thermiques aussi). On pose en fin de journée au plus tard. Parfois en ayant fait une boucle et être rentré à la maison, parfois à l’autre bout de la région.

En parapente, on peut parcourir des dizaines voire des centaines de kilomètres dans une journée ! Le record mondial est de 550 km au Brésil. En Europe, plusieurs vols de plus de 300 km ont été réalisés. Pour ma part, je ne cherche pas les records : soit je fais un triangle et retour maison (100-150 km), soit je file dans une direction, et je rentre en stop à la maison quand j’ai posé. C’est la deuxième aventure de la journée!

Depuis quand voyages-tu de la sorte ? Comment gères-tu la logistique de ton voyage ?

Une discipline du parapente que je ne pratique pas, consiste à effectuer un circuit en marchant et en volant sur plusieurs jours. Ça s’appelle du vol-rando, ou du “marche et vol” ou même du vol-bivouac si l’on dort dans la nature. En ce moment se déroule une compétition mythique de cette discipline (la Red Bull XAlp), qui emmène les compétiteurs sur 2000 km de l’Est des Alpes (en Autriche) jusqu’à Monaco. Ces pilotes ont un matériel léger mais efficace et parcourent la distance en 10 jours pour les meilleurs. De vraies machines !

La version “loisir” du vol rando consiste à emmener dans sa sellette tout ce qu’il faut pour bivouaquer et donc dormir chaque soir dans la nature. C’est très aléatoire mais j’admire beaucoup ces montagnards volants.

Pour ma part, en compétition ou même en voyage parapente, j’aime dormir dans un lit. En réalité, notre sport demande un effort de concentration intense et sur de longues heures. Il faut donc récupérer correctement pour être en sécurité. Les plus jeunes dorment sous la tente, mais moi je suis plutôt du genre « bed and breakfast », hôtel ou refuge de montagne !

En quelques mots, un parapente c’est quoi et comment ça marche ?

Un parapente c’est le plus léger avion du monde. Ça consiste en un bout de tissu sur deux épaisseurs (extrados et intrados), tenus par des “ficelles”, les suspentes, et accrochées à un harnais : la sellette.

Les parapentes de vol rando (qui servent juste à descendre d’une montagne et planent moyennement), font entre 2 et 5 kg, tout compris : aile, sellette et sac. Ils sont fabriqués dans le but de ne peser que le minimum. En général, on vole aussi avec un parachute de secours, au cas ou notre aile principale ne fonctionnerait plus.

Pour ma part, je pilote un parapente de performance et mon équipement est très lourd : 30 kg. Il comporte beaucoup de caractéristiques liées à la finesse de pilotage et la sécurité. Je peux le porter un peu, mais pas trop, car ça me casse le dos. Je l’appelle “mon menhir” car il en a le poids et la forme !

Les parapentes de loisir et de distance font en général entre 15 et 25 kg. Paradoxalement, plus le poids total volant (aile + pilote) est lourd, mieux ça vole.

On décolle en général d’une montagne, d’une falaise ou d’une petite butte, pas toujours très haut. Parfois on peut même décoller en plaine au treuil. L’idée est d’attraper très rapidement un thermique et de monter plus haut, puis d’enchaîner avec d’autres pour aller loin.

Pour voler, on a deux commandes, une dans chaque main, qui manipulent le bord de fuite (l’arrière) de l’aile comme les volets d’un avion. Ça nous permet de tourner à droite, à gauche et de ralentir l’aile pour mieux monter. C’est très simple à comprendre, ça demande un peu de force dans les bras, mais c’est accessible à toutes (et à tous).

Le parapente n’est pas un sport physique. C’est un sport technique, tactique et mental mais aussi d’endurance. On reste parfois en l’air plus de 10 h de suite sans poser !

voyage en parapente
©Bénédicte

Comment t’es venue l’idée de voyager de la sorte? Quel a été l’élément déclencheur ?

Je voyageais déjà avant de faire du parapente, et avec mon parapente avant de faire de la compétition. Mais c’est surtout depuis que je fais de la compétition que je me déplace au bout du monde pour voler. Les Coupes du Monde ont lieu 6 fois par an et chaque année le circuit nous emmène dans des endroits où nous ne serions pas allés spontanément. Comme au fin fond du Brésil, en Roumanie, en Equateur ou en Bulgarie !

Les sites de vol ne sont pas particulièrement touristiques. Nous sommes donc souvent dans des villes perdues, avec une population rurale tout autour. Lorsque l’on pose au milieu de la brousse, il peut arriver que l’on soit à plusieurs dizaines de kilomètres de la première route. Mais on s’en sort toujours. La logistique de la compétition a du mal à suivre (malgré nos balises GPS), avec 150 pilotes lâchés dans les airs.

Souvent, notre retour se fait grâce aux populations locales qui sont toujours incroyablement serviables et sympathiques.

Je me souviens avoir atterri dans un trou au Brésil, il y a deux ans, à coté de la maison de retraite. Nous étions à 35 km de la première route. J’ai vu arriver toute une troupe de mamies qui n’en revenaient pas de voir une femme comme moi (donc vieille aux standards brésiliens), française, poser sous son parapente. On a discuté tant bien que mal (je ne parle pas portugais mais je me débrouille) et on a fait des photos. J’ai été probablement l’événement de l’année pour elles !

voyage en parapente

Les arbres sont parfois un très bon choix par rapport à une planète plus dure

Une année, j’ai posé dans des conditions difficiles dans un arbre au Portugal. L’agriculteur, qui passait sous cet arbre, a appelé les pompiers pour me descendre (j’étais à 12 m de haut). Puis, il a fait venir tout le village à coté de mon arbre, et la bière, et le barbecue. Ça a été la fête, le temps de me descendre, de récupérer mon matériel et de dire merci à tout le monde!

En France, les automobilistes dans les Alpes commencent à nous connaître, avec nos gros sacs en train de faire du stop sur le bord de la route. Les gens s’arrêtent volontiers, surtout quand il fait chaud et quand ils voient, pouce levé, une femme écrasée sous son « menhir »!

Le parapente est un sport incroyable car tu voyages au dessus des reliefs avec les oiseaux, et parfois tu croises d’autres engins volants (planeurs, deltaplanes, parapentes). C’est un sport intelligent et un peu comme un jeu d’échec. Les thermiques sont transparents et il faut être entraîné pour les trouver vite et bien, et ainsi rester en l’air le plus possible. Il faut aussi savoir gérer ses émotions pour maintenir un bout de chiffons au dessus de sa tête dans de l’air parfois turbulent.

Faut-il faire des démarches spécifiques pour pouvoir voyager de la sorte ? Appartenir à un réseau ? Etc.

Pour voyager avec un parapente, il faut avoir :

-Une voiture avec un grand coffre.

-L’habitude de s’habiller de rien et de faire sa lessive. En effet, en avion, ton bagage, c’est ton parapente. Tu n’as donc que le bagage cabine pour les habits de rechange.

-Un bon dos et de la résilience. Les kilomètres dans le métro, à travers les villes ou les champs avec tout ça sur le dos, c’est parfois éprouvant.

-Une assurance de vol libre (au tiers) qui coûte environ 50-100 € par an.

Les parapentistes sont grégaires : ils volent individuellement sous leurs ailes. Mais, comme les oiseaux, ils aiment voler en groupe et se retrouver en l’air comme au sol.

Pas besoin de faire partie de grand chose pour voler. Il faut juste avoir une licence (assurance) en règle, du matériel bien entretenu et l’envie. C’est un monde plutôt respectueux des différences, car plutôt engagé. Il n’y a jamais d’obligation de voler. À chacun son mental, ses envies, et ses moments de doute.

Quels sont les pays que tu as déjà visités de la sorte ? Y-a-t-il un pays qui t’a particulièrement marqué vu du ciel ?

Le Brésil est extraordinaire car les distances sont énormes, les conditions de vol extraordinaires, et on arrive très vite au bout du monde… C’est très vite l’aventure! L’Europe de l’Est est souvent un retour dans le temps, quelque part entre deux guerres, de par les infrastructures parfois obsolètes et le côté très traditionnel de la vie dans les campagnes.

J’ai aussi adoré faire 4000 m d’altitude au-dessus du Portugal il y a 4 ans. C’était le soir et la terre devenait ronde autour de moi. Mes gants (d’été) étaient couverts de givre et je claquais des dents tellement la température était fraîche. Pourtant, il faisait 40°C au sol. C’était le coucher de soleil, et nous étions quelques pilotes à cette altitude de fou à nous regarder en se disant qu’on devait rêver. Ça s’est terminé pour moi dans un champs vers 9 h du soir, à me faire courser par des petits taurillons. J’ai dû les déranger dans leur prairie ! Le plus beau sprint de ma vie avec un parapente, vers le seul arbre riquiqui au milieu du champs. Je suis restée là jusqu’à ce qu’ils se désintéressent de moi. Il faisait nuit et j’étais dévorée par les moustiques! Je suis rentrée à 1 h du matin à notre hébergement.☺

Les Alpes françaises et suisses sont aussi exceptionnelles. Voler au dessus des glaciers, parcourir des montagnes de plus de 4000 m, c’est top. Mon compagnon a eu la chance de survoler et de poser au Mont-Blanc il y a quelques années, ça reste un vol mythique pour lui.

As-tu un souvenir, une anecdote particulière à nous partager ?

Plein d’anecdotes à raconter, ça c’est sûr, et entre pilotes, nous aimons bien partager ces moments. Une chose est certaine, c’est que les moments négatifs ou les galères sont finalement assez rares : même quand c’est plutôt difficile sur le coup, on s’en sort toujours bien, et le côté négatif disparaît au profit de l’expérience humaine vécue. Entre nous, on dit toujours : “si tu es là pour en parler, c’est que tu as pris les bonnes décisions”.

Certains gars, dans certains pays comme le Brésil ou en Europe de l’Est, ont même rencontré l’âme sœur et sont rentrés en France à deux <3

Est-ce une activité accessible à tous ? Comment faire pour voyager de la sorte ?

On apprend à voler dans une école de parapente ou un club de vol libre. En quelques jours, on est capable dans un environnement aidé de décoller et d’atterrir. Au bout de 10 à 30 vols, on devient autonome sur un site connu, puis on acquiert son Brevet de Pilote assez rapidement. Cela valide la compétence d’être autonome en l’air deco-aterro sur un site connu.

Pour commencer à se balader dans les airs (on dit dans notre jargon “sortir du bocal”), il faut déjà passer un cap d’autonomie technique et mental. Tout le monde ne souhaite pas y arriver. Certains pilotes ont souvent du mal à passer ce stade. En effet, ce dernier impose d’accepter de se retrouver face à des situations inconnues ou peu familières. Personnellement, j’ai été encouragée par la bonne ambiance et le sentiment de liberté que procure le parapente.

Pour bien voler, il faut voler régulièrement.

Ça a donc été mon choix de vie. En 2012, j’ai déménagé à Annecy, un spot mondial de notre sport, pour voler plus et souvent. Régulièrement, je vole dans la journée et je prépare mes cours le soir. Ça m’arrive aussi de me mettre en l’air après les cours au printemps, et de poser vers 20 h après avoir fait un grand tour de 80 ou 100 km, juste pour m’aérer la tête ☺

Le parapente, c’est un voyage dans le ciel qui peut t’amener partout dans le monde. Mais c’est aussi un voyage personnel. Il te permet de relativiser les à-coups de la vie, de prendre de la distance vis-à-vis de décisions importantes. Surtout il permet d’apprendre à être autonome et à assumer ses décisions. En fait, je trouve que c’est une très bonne école de la vie. Elle apprend l’indépendance, l’autonomie, le respect des éléments et des autres, et ouvre l’esprit.

Quels conseils pourrais-tu donner à ceux qui souhaiteraient se lancer dans ce type de voyage?

C’est un sport qui amène à voyager tant dans son cadre de vie habituel, qu’à l’étranger, ou même dans son inconscient, mais d’un point de vue diffèrent des autres.

Ce n’est pas un sport banal, mais c’est aussi assez addictif. J’ai vu des couples se défaire à cause de cette passion dévorante. Il est donc important d’arriver à le pratiquer de façon positive. Que cela fasse partie de ta vie sans amener de rivalité avec tes autres engagements (couple, famille, profession).

Il est donc important de connaître ses priorités dans sa vie et de s’en souvenir. C’est un sport de maturité et souvent, les meilleurs pilotes ont largement dépassé la quarantaine.

Parapentistes dans le ciel - Bénédicte
©Bénédicte

Niveau coûts, quel est le budget d’un voyage en parapente ?

Il n’y a pas de coût de décollage ou d’atterrissage en France. C’est du Vol Libre ! Par ailleurs, les infrastructures sont entretenues par les clubs et la fédération française de vol libre (FFVL).

À l’étranger, c’est une autre histoire. Parfois les accès sont payants, les navettes permettant de monter au décollage hors de prix. Cela génère toute une industrie touristique et sportive, qui bénéficie plus ou moins aux populations locales. Il faut donc être vigilant dans sa pratique.

Un matériel de parapente complet coute environ 3000 à 4000 € neuf. Néanmoins, il est facile de trouver du matériel de qualité de seconde main.

La formation des pilotes en école est chère. Un stage coûte 500 € minimum. Il existe des aides pour les jeunes. La FFVL et les clubs proposent des formations moins chères. Mais cela reste un budget conséquent et un frein certain à l’accès de l’activité. Une fois formé (pour 3000 € environ) et le matériel acquis, la pratique a un coût très raisonnable. Les pilotes font facilement du covoiturage, le stop ne coûte pas cher. Les échanges d’hébergement sont aussi communs entre parapentistes.

Les clubs et écoles organisent des voyages parapente partout dans le monde. Il faut compter entre 1000 et 1500 € la semaine tout compris selon la destination. Personnellement, j’aime partir avec mon homme. Tous les deux avec nos gros sacs, on se fond dans les populations locales pour découvrir, partager et échanger.

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5 Commentaires

  1. Condorito

    Merci pour le partage ! Bel article sur le voyage en parapente.

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  2. Voyage parapente

    Très bon article que je découvre !
    Bénédicte est très sympa, mais c’est facile quand on a la même passion en commun !

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  3. Ca5hy Garcia

    J’ai croisé Benedicte à Tenerife, on ne s’ennuie pas avec les anecdotes qu’elle a pu vivre, les voyages à thème parapente ça lave le cerveau

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  4. M@tthieu

    Très joli papier, portrait et de belles phrases qui “résument” notre passion de l’air et des voyages ! Vive le parapente sous toutes ses formes !

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